Sourires de Kontum

Après deux semaines passées en Malaisie, puis cinq jours à Hanoi où nous avons pu rendre visite à notre filleule (Dung 15ans) pour la seconde fois, nous partons pour Saigon où nous avons rendez vous avec Jean Doan.

Il nous fait visiter Saigon, Cholon, la poste, la cathédrale, un musée ; la ville est très différente de  Hanoi ; les tours poussent comme des champignons ; les nuages de fils électriques s’apprêtent à disparaitre ! Les camions et les voitures ont envahi la ville et il est aussi difficile de les traverser que celles d’Hanoi.

Puis enfin, nous partons en avion pour Pleiku dans les plateaux du centre, zone assez peu touristique mais où vivent entre autres les ethnies Banhar ; quelques centaines de milliers d’individus qui veulent garder leur identité, leur langue , la religion catholique, au grand mécontentement du gouvernement qui voudrait bien les intégrer ; il faut dire que ces ethnies ont toujours fait le mauvais choix : Catholiques, très proches des Français puis des Américains, ils ont tout fait pour résister à l’embrigadement communiste ; apparemment ils le paient encore très cher.

Arrivés en voiture à Kontum, nous visitons un peu la ville, le marché (combien de marchés auront nous visité depuis notre départ ?) nous apercevons vendant quelques légumes, quelques fruits, quelques herbes, des petits sauvageons pas bien propres et mal vêtus, nous sommes surs que ce sont nos Banhars. C’étaient bien eux et demain nous partirons à leur rencontre !

 

Jean nous présente Jean Baptiste, un Banhar qui parle bien le français et que Sourire du Vietnam paie pour donner aussi des cours d’anglais dans les orphelinats de Kontum.

Demain matin, nous devons rencontrer le papa de 2 jeunes filles adoptées en France dont la maman est morte en mettant au monde la seconde. Nous avons à lui transmettre des lettres, des photos et une somme d’argent assez importante. Jean Baptiste connaît cet homme, il est actuellement très malade ( cancer du poumon avancé, pas de traitement, plus de travail) sa 2ème famille n’a pratiquement plus de ressources pour vivre et aucune aide.

Nous prenons un taxi avec Jean et Jean Baptiste ; Jean Baptiste a traduit les lettres des 2 jeunes filles. Nous arrivons vers une baraque sur pilotis, plutôt en mauvais état, un habitat traditionnel sans aucun confort ; juste un toit et quelques planches, un escalier taillé dans un arbre. Nous trouvons le papa un peu étonné de voir ces blancs chez lui ; il regarde les photos mi ému mi absent ; il tousse beaucoup, Jean Baptiste lui donne toutes les explications nécessaires, puis soudain Jean, resté en bas, nous appelle ; il faut partir car la police vient de demander au chauffeur ce qu’il fait ici. Nous partons donc en espérant que le papa n’aura pas de problèmes ensuite et qu’ils ne reviendront pas lui prendre l’argent….Drôle de pays !

Nous filons ensuite vers Mang La ; là, le club Rhône Mékong fournit chaque jour le repas de midi aux 200 enfants pour qu’ils viennent à l’école et Sourire du Vietnam assure un parrainage collectif. Jean fait cacher la voiture entre l’église et un bâtiment ; il paraît que quand il y a des visiteurs blancs, des gens viennent vérifier si l’électricité fonctionne bien !

Sœur Marthe nous accueille ; petite femme, sans âge, souriante et énergique. Elle nous offre du thé et des bananes « cochons » (petites bananes courtes et épaisses). Puis c’est l’heure du repas pour les petits. Ils ont de 2 à 10 ans, certains de moins de 2 ans sont dans les bras de leur grande sœur de 7 ans ! Les parents travaillent dans les champs, ils sont ainsi assurés que les petits auront au moins un repas dans la journée. Nous sommes accueillis  par une foule de petites frimousses un peu barbouillées, sous la direction des sœurs, ils nous chantent tout le répertoire de chansons enfantines : « frère Jacques, Vive le vent » etc. Nous avons apporté quelques friandises que nous leur distribuons ; puis chacun reçoit un grand bol de riz avec du bouillon et quelques légumes. 2 fois par semaine, les sœurs peuvent ajouter un peu de poisson ou de viande. Beaucoup d’enfants ont les cheveux roussâtres, signe d’un manque de protéines. Cela donne le vertige ; sans ces sœurs dévouées corps et âmes et l’argent des deux clubs, qu’adviendrait-il de ces petits qui ont l’âge des nôtres… dans quel monde vivons nous ?  Nous comprenons mieux pourquoi nous prenons sur notre temps pour aller rouler des milliers de nems! Et aussi quelle est notre responsabilité maintenant ! Nous quittons à regret tous ces petits. Nous laissons un peu d’argent à sœur Marthe, Jean a apporté des denrées alimentaires qui viendront améliorer l’ordinaire.

A notre départ, sœur Marthe nous donne des cadeaux. Il s’agit de sacs en tissage traditionnel Banhar.

André a immortalisé le regard de tous ces petits qui nous rappelleront chaque fois que nécessaire que nous sommes nés du bon côté de la planète. Visite ensuite des orphelinats de Kontum. La pouponnière avec ses tout petits jumeaux de 2 mois dont la vie tient à un fil ; leur biberon est posé près de leur bouche et ils le tètent eux mêmes !… Ces petits tous cassés par la vie qui se tournent  vers nous, s’accrochent à ces adultes qui viennent leur rendre visite. Impuissants ! nous sommes impuissants devant tous ces bras tendus, une caresse, un câlin, puis ils nous quittent, ayant compris que nous ne sommes que de passage. Je guette les signes qui me rassureraient en me laissant à penser que les adultes qui les entourent, font plus que les nourrir et leur apprendre des comptines françaises. Et je suis un peu apaisée quand je vois 2 jeunes filles qui aident avec tendresse un petit à lâcher leurs mains et à marcher seul, quand je vois les petits éclater de rire, se courir après, se bagarrer comme tout petit d’homme. Dans la journée, nous avons aussi visité un musée des peuples montagnards, admiré des paysages sublimes et des maisons communautaires à la toiture gigantesque, mais cela semble secondaire en face de la leçon d’humanité que viennent de nous donner ces petits et toutes les personnes qui leurs consacrent leur vie.

Le soir, nous nous affalons sur notre lit épuisés de tant d’émotions. Demain il faut repartir à Saigon, 2 jours plus doux à vivre. Nous visitons Cap Saint Jacques, le lieu de repos des riches Saigonnais, puis nous reprenons le chemin de la Malaisie où de nombreux amis locaux nous attendent pour nous faire partager d’autres moments bien agréables.

André et Monique Parot Mars 2009